En ce début d’année 2025, c’est une puissante tempête qui s’installe peu à peu pour connaitre d’affaires nébuleuses qui mettent en cause des présumés délinquants financiers ayant prospéré sous l’ancien régime. Mouhamadou dit Farba Ngom sera certainement le premier député de la 15e législature à voir son immunité parlementaire levée par l’assemblée nationale élue le 17 novembre 2024 et installée le 2 décembre suivant. La procédure a été enclenchée depuis le 10 janvier 2025 par une lettre du garde des Sceaux et ministre de la Justice Ousmane Diagne à travers une correspondance au président de l’institution Malick Ndiaye.
Le dossier Farba Ngom n’est pas banal. Le futur ex-député est considéré, autant par les nouvelles autorités que par une frange importante de l’opinion publique, comme un des visages achevés de la corruption et de l’impunité entretenus et protégés par Macky Sall. Ami personnel, intime et influent de l’ex président, il est soupçonné d’avoir été mêlé à des entreprises criminelles qui ont usé de « mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux. Ces opérations évaluées à environ 125 milliards de francs CFA ont été effectuées à travers des « sociétés écrans ».
C’est sur la base des enquêtes de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) que le Pool judiciaire financier (PJF) a annoncé le 12 janvier l’ouverture probable d’une information judiciaire sur ces « transactions suspectes » avec les chefs d’accusations provisoires suivants : association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur les deniers publics, corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux. La demande de levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom entre dans ce cadre, mais celui qui est également maire d’une petite commune dans le nord du Sénégal n’est pas seul.
Selon les quotidiens Yoor-Yoor Bi et L’Observateur, l’homme d’affaires Tahirou Sarr, Ismaïla Ngom, frère de Farba Ngom, plusieurs hommes de main et diverses sociétés immobilières et professionnelles sont fortement impliquées dans ces « transactions suspectes » débusquées par la CENTIF à travers plusieurs rapports planqués sous le coude de l’ancien régime depuis belle lurette.
La valse des milliards (sans doute autour du foncier en général) est étourdissante entre la Holding Sofico (appartenant à Tahirou Sarr), les SCP (Société civile et professionnelle) Haba et Tidiania, une autre SCP appelée Doworou (propriété de Farba Ngom), Kantong Investment Sasu, la SCI (Société civile immobilière) Diamalaye… Des sommes faramineuses qui tombent dans des comptes bancaires individuels ou d’entreprises puis retirées et redirigées vers d’autres points de chute, « laissant supposer une tentative de dissimulation ou de manipulation des fonds » à des buts non avouables, écrit L’Obs.
Si le 11 août 2023, une somme de 17,188 milliards de francs CFA tombe dans un compte bancaire de Holding Sofico, cette même société effectue, le 16 août suivant, plusieurs virements de 1,5 milliard, 2,5 milliards, 1,5 milliards et 1,5 milliards « respectivement (pour) SCP Haba, SCP Tidiania, Kantong Investment Sasu et SCP Doworou, indique le quotidien Yoor-Yoor Bi.
Selon le même media, plusieurs déclarations d’opérations suspectes (DOS) ont été émises par des banques de la place. L’une d’elles, du 6 décembre 2022, alerte sur une transaction d’environ 7 milliards de francs CFA en faveur de Mega Business Solutions, une société de Tahirou Sarr.
L'homme d'affaires Tahirou Sarr
Seydou alias Tahirou Sarr est la principale figure affairiste du régime précédent. Son nom et ses activités ont été impliqués dans divers dossiers qui ont tenu l’opinion en haleine au cours de ces dernières années. Le plus récent, révélé par le premier ministre Ousmane Sonko lors de sa déclaration de politique générale du 27 décembre 2024, concerne la maison de fonction officielle du président de l’assemblée nationale sise à Fann Résidence qu’il a obtenue par troc avec un terrain situé dans la commune de Yoff. Tahirou Sarr est aussi un des protagonistes de l’affaire dite des « 94 milliards » relative à une affaire foncière…
Ce jeudi 16 janvier 2025, l’assemblée nationale met en place une commission ad hoc pour statuer sur la levée de l’immunité parlementaire de Mouhamadou Ngom dit Farba Ngom. Mais cette commission ne sera validée qu’après une séance plénière prévue le 17 janvier. Les résultats de l’instruction du dossier par la commission ad hoc seront soumis à une autre plénière qui décidera (ou non) d’ôter toute protection au parlementaire visé. [IMPACT.SN]